Canton, 17 décembre
Ca y est, je suis de nouveau dans le bus. Le bus pour Hong Kong cette fois-ci au départ de Canton. Et je m’étonne toujours de cette sensation bizarre de me sentir à la maison, chez moi, à chaque fois que je me retrouve seul dans un bus ou un train à destination d’un nouveau pays. Je me rappelle encore ce sentiment de joie que j’ai ressenti quand je suis rentré dans le train à Oulan Bator pour traverser la frontière chinoise. Le train ressemblait comme deux gouttes d’eau au transsibérien.
Je quitte Canton avec le cœur rempli d’un sentiment de satisfaction. Je n’avais pas vraiment prévu d’y passer, puis je devais y rester une journée et finalement je suis resté 3 jours. Encore une fois, j’y ai fait de belles rencontres, et notamment celle de Kenny Choi. Kenny est un des gangsters les plus actifs de MakeSense. Il vient de monter le premier espace de co-working de Canton. Un lieu exceptionnel où créativité, networking, sensibilisation, entraide, projets social business ont toute leur place. Kenny a été un parfait hôte, jusqu’à nous laisser sa chambre.
Je dis Nous, car depuis 3 semaines, le 28 novembre, date de mon arrivée épique en Chine (cf post précédent sur Pékin), je voyage avec mon Sherpa Buddy Aurélien et son ami Charles.
Nous sommes restés deux jours à Pékin où nous avons rencontré le Professeur Liu à l’Université de design de Pékin, qui travaillent sur des projets de fermes urbaines et la création d’une carte des restaurants végétariens et bio de Pékin. Ensuite, nous avons souhaité visiter La Grande Muraille de Chine. Nous voilà donc partis à 4, accompagnés de notre nouvel ami Rafael, espagnol vivant à Miami. Après une heure de trajet, un homme assis dans le bus se lève et nous dit qu’il faut qu’on sorte à cet arrêt. Aurélien qui parle un peu le chinois et a déjà visité la muraille de Chine auparavant confirme que nous devons sortir. Le gars est en fait un conducteur de mini-van qui nous propose de nous emmener à la Grande Muraille. Après quelques négociations de tarifs, nous montons dans le van. A l’hôtel, nous sommes seuls. On pose les sacs, et on file au téléphérique pour arriver avant la tombée de la nuit. Le spectacle est magnifique. La grande muraille, fière, chevauche les montagnes, tel un dragon se faufilant entre les crêtes.
Toujours dans le bus pour Hong Kong, je repense encore à ma dernière rencontre d’aujourd’hui : Christophe. Christophe est ce genre de personne avec qui je me sens à l’aise tout de suite. La barbe ? Peut-être. Le sourire ? Sûrement. Christophe est marié à Agnès, une chinoise ayant étudié en Bourgogne. Après 3 ans passés en Chine, ils ont décidé de monter une boulangerie à Canton l’an dernier appelée Perma Shop. Perma pour Permaculture. La permaculture est un type d’agriculture qui prend en compte le respect de l’humain et de l’environnement. C’est pourquoi on peut trouver dans sa boulangerie du pain bio, des produits du commerce équitable et la fameuse tarte aux pommes locales qui a fait la renommée de sa boutique. Christophe s’engage à acheter 1,5 tonnes de pommes à un producteur chinois du nord de la Chine, et respecte donc les saisons. Pas de tarte aux pommes pendant 6 mois de l’année, ce que de nombreux clients ont eu beaucoup de mal à comprendre !!
Avec Christophe, je me sentais également à l’aise car j’avais des points de repères. On a évoqué ensemble le Comité Jean Pain, Max Havelaar, Pierre Rabbi. Pierre Rabbi, que j’aime appeler « Le poète de l’agriculture sensée ». Je m’attarde sur cet homme car Christophe m’a raconté une histoire à ce sujet. Pierre Rabbi donnait une conférence à Besançon où Christophe y était salarié-boulanger. Il souhaitait vraiment y assister, mais ne pouvait pas car il devait travailler et son patron n’aurait jamais voulu le laisser y aller. Seule solution : démissionner. Combien de personnes l’auraient fait ? Je ne sais pas, mais lui a osé ! Quitter son job pour aller voir une personne que l’on admire, parler de Sens. Je ne suis pas sûr que Pierre Rabbi soit au courant, mais je trouve cela très beau. Et le mieux dans cette histoire, c’est que Christophe retrouva du travail en 4 jours, en tant que boulanger dans un projet Eco-village… La loi de l’attraction me dirait mon premier Sherpa Buddy Benoît…
J’ai passé près de 3h à la boulangerie. Cela nous a aussi laissé le temps de refaire le monde, de parler de la notion de Confiance, importante à nos yeux, souvent trop délaissée. A qui faire confiance ? C’est très souvent une de mes grandes questions quand j’arrive dans un nouvel endroit. Une auberge de jeunesse, un train. Et quand il m’arrive d’accorder ma confiance à quelqu’un et que la personne en est digne, le sentiment de reconnaissance est toujours très fort. J’entendais souvent en France cette phrase : « On ne peut plus faire confiance à personne de nos jours. » Au bout de deux mois de voyages, je pourrais déjà vous donner des dizaines de beaux témoignages à ce sujet qui prouvent le contraire. Et le plus frais dans mon esprit est la rencontre avec ce producteur Bio du Hunan, rencontré à Shanghai : Fred Young.
Fred vient du Hunan, une région montagneuse du centre de la Chine, mais aussi très pauvre. Il a eu la chance de faire des études à Shanghai. Après y avoir travaillé, il a souhaité retourner vivre dans son village natal de Huai Hua, pour y créer une ferme agroécologique et aider des fermiers à mieux vivre de leur production. La particularité de la ferme, c’est les champignons. En effet, Fred utilise les champignons comme fertilisants de ces terres, et n’a pas besoin d’utiliser de pesticides. Il y cultive riz, légumes et champignons.
Je vous parlais de confiance, car cette homme que l’on connaissait depuis deux jours, nous a ouvert les portes du Hunan. Personne, ou presque n’y parle anglais. Il a fait notre interprète à distance pour nous trouver des guides locaux. Son amie Mme Feng de Zhangjiajie. Cette femme a demandé à son mari d’aller nous cherche à l’aéroport, nous a trouvé un hôtel à 4€ la nuit, offert de la nourriture, conduit chez son frère près du parc national de Zhangjiajie, (vous savez là où a été tourné Avatar) et déposé à l’arrêt de bus. Tant de bonté, avec le sourire, sans vraiment un mot pour se comprendre… Si les Media pouvaient relater plus souvent ces histoires de générosité humaine, cela donnerait peut-être l’envie à plus de gens d’oser la générosité. Allez-y, essayez vous aussi, le retour sur investissement est impensable… Cela me fait d’ailleurs penser à un livre qui a été important dans ma préparation : L’espérance autour du monde, de Christian de Boisredon. 3 amis partis en 1998 à la recherche des signes d’espérance autour du monde. A lire.
Bon, la nuit tombe sur les confortables fauteuils en cuir de mon bus. Je vais encore une fois arriver la nuit tombée à Hong Kong, et voir la ville s’envelopper de son manteau lumineux, mais cette fois-ci aux couleurs de Noël… Encore une fois car la dernière fois était en 2010.
Vous connaissez la signification du nom de Hong Kong ? Le port aux parfums. La SenseFood, c’est aussi une question d’odorat…
Bruno
SenseFood Explorer